Sélectionner une page

Ma MÉTHODE pour te fixer de bons OBJECTIFS en escalade !

Cet article invité a été écrit par Quentin Viaud, un grimpeur passionné qui s’intéresse à la performance. Il œuvre notamment en ce sens en animant, avec un ami, un groupe dédié à la progression en escalade au sein de l’association Corsica roc. 

Aujourd’hui,  Quentin nous explique l’importance de se fixer de BONS objectifs et les comment cela peut nous aider à progresser plus vite.

La notion d’objectifs en escalade

Si l’on souhaite performer en escalade, la notion d’objectifs devient essentielle. En effet, comment mesurer sa performance sans avoir d’objectifs ? Ou sans les connaître ? Ou sans se les avouer…

Même sans démarche de performance, il est important d’aborder les notions d’objectifs, pour ne pas perdre de vue ce que l’on souhaite faire de sa pratique et ainsi éviter de la frustration inutile.

Cette démarche est primordiale pour toute personne désirant s’entraîner (au sens large du terme, à savoir se créer des outils pour progresser, pas forcément de faire des tractions à 2 doigts) car les objectifs conditionnent forcément l’entraînement.

Pour ceux ne désirant pas nécessairement s’entraîner, elle présente tout de même des intérêts. On part du principe que tu t’entraînes (toujours au sens large) pour la suite de l’article, c’est plus simple !

La peur de connaître ses objectifs de grimpe

Je pense que c’est ce qui freine beaucoup de grimpeurs qui s’entraînent : se poser, à un moment, pour répondre à la question

Quels sont mes objectifs avec ce sport qui me passionne ?

C’est à la fois difficile (la question est complexe et personnelle) et peut-être lourd de conséquences (la réponse à la question peut nous amener à revoir beaucoup d’habitude que nous avons prises).

  • Par exemple, un grimpeur ayant depuis longtemps une logique d’entraînement sur la base de deux séances par semaine à la salle, avec quelques exercices spécifiques pour progresser, s’aperçoit que son objectif est d’atteindre un niveau… qu’il a déjà. Et que potentiellement, grimper dans un niveau plus dur ne lui amènera pas plus de satisfaction. Cela remet peut-être en cause les deux séances par semaine en salle, et tout le rythme qui va avec.

  • Un autre exemple serait de constater qu’un rêve que l’on a… n’est qu’un rêve au vu du temps que l’on est prêt à consacrer à l’escalade : l’objectif est irréalisable au vu du volume de grimpe et du niveau que l’on a actuellement.

Dans tous les cas, si la réponse peut être difficile à avaler lorsqu’on la trouve, je pense qu’elle ne peut par la suite qu’amener une meilleure pratique. Peut-être que notre grimpeur de salle n’ira plus en salle, mais pourra privilégier du temps sur le rocher, le week-end, en échange. Ou bien, il se rendra compte qu’il aime également faire de la salle de temps en temps, cependant, il ira uniquement pour se faire plaisir, sans s’imposer des exercices qui ne lui plaisent pas tellement.

Peut-être que notre grimpeur avec son rêve fera une croix dessus… mais pourra se constituer un vrai objectif, atteignable, de long terme, et qu’il le réalisera, ce qui lui apportera la satisfaction qui va avec. À mon avis, une bien meilleure situation qu’un rêve jamais atteint.

Les objectifs : si bien maitrisés, un apport indéniable à la sérénité du grimpeur

Sans objectif, tu ne sais pas où tu veux aller.

– “Comment peux-tu alors définir un entraînement ayant du sens si tu ne sais pas quel est son but ?”

– “Mais mon but, c’est juste de devenir fort, donc je m’entraîne !”

– “Fort de quel point de vue ? Point de vue côté ? Point de vue bloc, falaise ? Point de vue polyvalence ? Point de vue mental ? Par rapport à qui, à quoi ?”

– “Non, juste être le plus fort possible !”

– “Ah. Bah démissionne et entraîne toi 40h par semaine avec un plan d’entraînement établi par le meilleur professionnel. Tu deviendras le plus fort possible (ou pas !)”

Cette conversation (complètement fictive… quoique) met en avant que l’absence d’objectifs précis amène potentiellement à des contradictions dans le discours du grimpeur. Typiquement dans ce cas, en réalité, comme tout amateur, le grimpeur souhaite avoir d’autres activités qui limitent le temps qu’il peut consacrer à l’escalade, rendant indirectement impossible l’objectif « être le plus fort possible ».

Ces contradictions, ou bien cette absence d’objectifs, peut amener à une grande frustration : un sentiment de non-accomplissement permanent (« je ne suis jamais assez fort ») accompagné d’une angoisse sur le fait de ne pas savoir quand est-ce que l’on sera satisfait. Car potentiellement, on peut toujours être plus fort en grimpant plus ou en s’entraînant plus…

Autre exemple :

– « Moi mon but, c’est juste d’être à l’aise dans le 6b/6c pour pouvoir faire une bonne partie des grandes voies, en libre ou en artifant les longueurs dures »

–  » Et tu grimpes quoi actuellement ? » 

« 6b à vue en tête de temps en temps, sinon 6a+ »

– Et tu voudrais atteindre ton objectif quand ?

« Ah bah pas tout de suite, c’est ce que j’aimerai faire au bout de plusieurs années en escalade quoi »

– Donc si c’est dans 5 ans, ça te conviendrait ?

« Ah oui, bien sûr ! » 

Bon, ben, c’est bon, à priori, tu n’as rien à changer à ta pratique ou même à t’entraîner. Continue de grimper comme tu le fais, confronte toi de temps en temps à des voies plus dures quand tu te sens à l’aise dans le niveau précédent, et puis ça viendra tout seul. Tu as tout le temps d’ici 2/3 ans de voir où tu en es et de réajuster ton plan d’actions.

En définissant des objectifs plus précis, et plus réalistes, non seulement on apporte du sens, mais surtout, on relâche la pression : on sait que l’on peut atteindre ces objectifs (parce qu’on les a définis de manière réaliste), et aussi que les atteindre représentera une étape importante : est-ce que je m’arrête là, ou bien est-ce que je tente de me mettre un objectif plus difficile ensuite ?

Cela peut paraître délicat, car on a l’impression de donner une « fin » au jeu de l’escalade et de la progression.

Sauf qu’on ne s’arrêtera pas de grimper : on arrêtera de pousser ses objectifs plus loin (et puis rien n’empêche de se remettre des objectifs une fois ceux-ci atteints).

Certains pensent aussi que définir un « niveau à atteindre » peut potentiellement nous cacher notre vrai potentiel. Je ne suis pas d’accord, je pense que le grimpeur peut simplement se donner une échéance, et se dire qu’il verra à ce moment-là. Si son objectif était peu ambitieux, il l’atteindra plus vite que prévu et pourra donc se dire qu’à temps investi égal, il peut faire mieux.

Si son objectif était bien dimensionné, et bien, il l’atteindra et ne se sera pas mis la pression, à l’inverse d’un objectif surdimensionné. Nous sommes des amateurs, a priori, nous cherchons à nous amuser (plus de précision plus tard sur ce sujet).

Alors que si l’objectif n’est pas adapté, ou bien irréaliste, on s’oriente vers la déception, voire le mal-être.

Bien sûr, on a souvent plusieurs objectifs, à différents termes (courts, longs, moyens…). Généralement, les objectifs à court terme sont un peu des objectifs intermédiaires de ceux à long terme, mais ça n’est pas obligatoire.

Fixer ses objectifs : une démarche simple sur le principe, mais difficile à mener jusqu’au bout

Comme ça, on peut se dire qu’il est simple de se fixer ses objectifs. En réalité, cela demande de se poser de vraies questions sur ce que l’on veut faire de sa pratique. Surtout à long terme. Ces questions sont personnelles et assez profondes, il faut prendre le temps de bien mettre les choses à plat.

⇒ Dans l’ordre, je suggérerai de choisir une idée à long terme : quel grimpeur je veux être ? Par exemple, à horizon 10 ans ?

Cette idée (un fort bloqueur, un falaisiste confirmé, un grimpeur à l’aise dans le terrain d’aventure, un grimpeur tout terrain, juste un grimpeur confirmé…), tu vas ensuite la décliner en un objectif précis à long terme.

Par exemple, si ton idée, c’est « falaisiste confirmé ». À toi de définir ensuite :

  • En tête ou en moulinette ?
  • A vue ou après travail ?
  • Sur tous rochers ou uniquement sur calcaire ?
  • C’est quoi confirmé, dans le 6, dans le début du 7, dans le 7 ?

Une fois ce grand objectif défini, il faut essayer d’imaginer quel temps il sera nécessaire d’y consacrer pour l’atteindre à l’échéance. C’est cette étape qui permet d’évacuer les objectifs irréalistes par rapport à nos contraintes personnelles.

⇒ Une fois ce grand objectif défini, on peut mettre des objectifs intermédiaires, sortes de checkpoint du grand objectif, et puis ajouter, selon le temps disponible, d’autres objectifs qui n’ont rien à voir.

Typiquement, pour notre falaisiste, il pourrait s’ajouter en objectif de réussir ce 6a bloc pas loin de chez lui d’ici la fin de l’année, parce qu’il trouve le bloc classe. Ces petits objectifs intermédiaires, si l’on n’en met pas trop, permettent de varier les choses et de se poser quand même des petits challenges.

Si tu parviens à mener la démarche jusqu’au bout (donc quelque part, à répondre à la question : je veux faire quoi de mon escalade), je t’assure que tu deviendras plus serein et que tu n’en grimperas que mieux, et avec plus de plaisir.

J’ai trouvé personnellement peu de grimpeurs (surtout ceux qui s’entraînent, paradoxalement) capables de me répondre sur leurs objectifs à long terme alors que sans la réponse à cette question, tout entraînement devient hasardeux, sinon inutile.

Le plaisir : un objectif ?

Beaucoup de grimpeurs vont avoir comme objectif principal de se faire plaisir. OK, mais c’est un peu le but de la vie, non ? 😉

Mon premier principe est que tant que l’on peut, il faut s’amuser en escalade, y compris en entraînement. C’est l’objectif principal, celui qui vous permettra de durer dans le temps. Souvent, on peut le maintenir tout en restant efficace : plutôt que de faire des tractions sur barre, on peut éventuellement faire des blocs à dominante traction !

Cependant, il ne faut pas nier que ses autres objectifs peuvent parfois être atteints plus facilement ou plus rapidement en « sacrifiant » du plaisir immédiat pour du plaisir dans le futur. Une petite accentuation de la pratique en salle en hiver pourra sans doute permettre une meilleure saison de printemps. Apprendre à gérer la peur de la chute (un objectif à part entière…) n’est pas forcément tout de suite amusant, mais vous apportera une bonne dose de fun dans l’avenir.

En d’autres termes : on peut temporairement se déconnecter d’un plaisir immédiat pour atteindre un plaisir plus grand dans un futur proche, mais cela ne doit pas durer trop longtemps…d’où l’importance des objectifs intermédiaires, qui permettent d’avoir des satisfactions le long du chemin.

Pour moi, il faut le voir comme une espèce d’objectif sous-jacent, permanent. Sans plaisir, quel intérêt ?

L’objectif par la cotation, une bonne ou une mauvaise idée ?

La cotation est censée représenter une sorte d’avis moyen des grimpeurs sur la difficulté du passage proposé, tant en gestuelle qu’en technique et en lecture, voire même en engagement selon certains systèmes de cotes (on en reparle plus loin). Du coup, les cotations servent pour déterminer la performance, à défaut d’un « temps » accompli (comme au marathon) ou d’une hauteur, d’une distance…

On pourrait donc se dire qu’on peut définir ses objectifs sur la base d’une cotation. Par exemple, faire un 6a à vue, en tête.

Sauf que, il y a plusieurs problèmes :

  • Les cotations sont définies de façon informelle par des ouvreurs ou des grimpeurs différents. Tu ne peux donc pas être aussi précis que « 6a » parce que 6a dans telle région vaut 5c dans telle autre, et ainsi de suite.

  • La tendance à choisir des paliers symboliques, qui en fait ne le sont pas. Généralement, on retrouve les objectifs des grimpeurs aux changements de chiffre : 6a, 7a, 8a…C’est assez logique, on a l’impression que le changement de chiffre vaut plus que le changement de lettre. Si je te convertis ces cotes avec la cotation américaine, ça donne : 5.10a, 5.11d, 5.13b (et encore, toutes les tables de « conversion » de cotes ne sont pas identiques). Et là tout de suite, le choix de ces cotations a l’air d’être moins logique.

  • Garder à l’esprit qu’on peut être capable de faire 7a en dévers et ne pas bouger dans un 6b dalle. Ou autre classique, regarder un grimpeur de 7a prendre le but de sa vie dans une fissure en 6a.

Mais relativisons : une fois qu’on a en tête ces biais, on peut malgré tout se fixer des objectifs avec les cotes. Il faut simplement prendre des précautions.

Personnellement je préfère prendre large et me dire « début du 6 » plutôt que 6a, ou 6b…ça permet de gérer les écarts dus aux régions ou au style, et d’éviter l’effet « symbolique » 6a.

Évolution dans le temps et motivation

Poser ses objectifs ne signifie pas ne jamais les changer. Au contraire. D’une part, les circonstances de votre vie peuvent évoluer, d’autre part, vos envies premières peuvent évoluer. Ceci dit, en principe, votre « grand » objectif devrait peu varier avec le temps, sauf circonstances vraiment marquantes.

Dans tous les cas, il est bon de se poser de temps en temps pour réfléchir où on en est et réajuster si nécessaire (notamment la date d’échéance).

Concernant la motivation, plein de méthodes existent potentiellement : écrire ses objectifs dans un petit carnet que l’on garde avec soi, notamment le « grand » objectif, qui est souvent très motivant. Vous pouvez aussi parler à vos amis proches de vos objectifs : non seulement ils pourront vous faire des retours (du type « mais grave tu peux tout à fait y arriver » ou à l’inverse « fais gaffe, c’est vachement chaud ton truc ») et vous aider à les affiner, mais en plus, ils pourront vous motiver à les accomplir en vous « poussant ».

Et si je ne sais pas quoi faire de mon escalade ?

Alors pour moi la réponse est simple : on en revient au plaisir. Si tu n’as pas envie de te prendre la tête avec des objectifs, eh bien ne le fais pas. D’ailleurs, même sans objectif, on peut aimer la progression et savourer celle-ci, peu importe à quel rythme on progresse finalement, et dans quel domaine.

En revanche, si à un moment, tu as envie d’arriver quelque part en escalade, que tu as une idée précise, que tu veux t’entraîner pour cette idée : définis clairement tes objectifs, ils n’en seront que plus facile à atteindre.

Merci Quentin (Groupe Progression Association Corsica roc) pour cet excellent article !

L’équipe Grimpe à vue 🙂

Vous serez surement intéressé également par…

LA FORCE DU MENTAL (Partie 1)

LA FORCE DU MENTAL (Partie 1)

Comment aller au-delà de notre peur ? Après une expérience de grimpe où j’ai frôlé la mort, j’ai cherché à aller plus loin dans mon analyse de la...

lire plus

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *